Deuxième remplacement
Après la fin de ma première expérience à Valréas, je restais quelques jours sans emploi. Début mars le facteur m'apporta un nouvel ordre de mission: je devais être le lendemain matin à 9heures à l'école de Sault- Verdolier pour un nouveau remplacement: je savais à peu près où se situait Sault mais je n'avais jamais entendu parlé de Vedolier. Bien entendu mes parents ou moi ne possédions pas de voiture (on était en 1955) et aucun transport en commun joignait Orange à Sault. Après m'être préparé j'empruntai donc la mobylette de ma mère ( Motoconfort fourche non télescopique Alain Sicard sait de quoi je parle) et me voilà parti. J'eus de la chance: il ne restait que quelques congères au bord de la route et je trouvai un hôtel ouvert à Sault. Le lendemain j'arrivai sur la placette du hameau de Verdolier. Un homme sort de sa maison: c'était le Conseiller Municipal chargé du hameau. Après les présentations il me dit:" Je vais vous aider à allumer le feu". Nous entrons dans l'école par un couloir, nous pénétrons dans la classe, en fait une grande cuisine avec des bancs d'écoliers, un bureau de maître et un tableau. Le poêle allumé, la pièce réchauffée, les élèves arrivent. Ils sont au nombre de deux:" les autres ne sont pas avertis; ils seront plus nombreux cet après-midi" me dit l'homme. Effectivement à 13h30 ils y sont tous: une douzaine: le téléphone a fonctionné d'une ferme à l'autre. Ils ou elles sont de tous les âges scolaires depuis la classe enfantine jusqu'aux "grands" du CEP. Je les fais entrer et s'asseoir. Une grande se lève et va vers un tout jeune. je l'oblige à aller à sa place: elle obéit mais ne comprend pas. Et tout d'un coup c'est moi qui me rends compte que je ne comprends rien, habitué que je suis aux écoles à classes multiples. Dès le lendemain chacun mènera son petit bonhomme de chemin dans une ambiance studieuse: n'étant là que pour expliquer, corriger, contrôler. A midi nous mangerons notre casse-croûte réchauffé sur le poêle. J'aurai eu, pendant cette courte période, l'impression d'avoir été le précepteur d'une grande famille. J'ai ensuite rejoint mes "écoles à classes multiples"
Près de cinquante ans plus tard je suis repassé à Verdolier: je me suis arrêté sur la placette; bien entendu l'école était définitivement fermée. Une dame d'âge respectable est sortie: "le monsieur c'était mon père et vous m'avez fait classe". Souvenirs...souvenirs...*
Jean Sinard